Entreprendre une transition du tourisme sur nos territoires n’implique pas uniquement la transformation des modèles classiques du tourisme de masse vers un l’écotourisme, mais également une transition globale des territoires, et notamment de leurs systèmes alimentaires. Jean-Louis Rastoin est professeur d’économie et de gestion d’entreprises à Montpellier SupAgro, fondateur de la chaire UNESCO en Alimentation du monde, ainsi que Membre de l’Académie d’Agriculture. Depuis plusieurs années, il effectue ses recherches sur le futur des systèmes alimentaires, et est ainsi spécialisé sur la question de leur transition. Selon lui, cette transition est, en 2023, à la peine, dit-il en citant le philosophe et militant Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt et le nouveau tarde à naître ».
Une transition inévitable
Pour Jean-Louis Rastoin, ce “vieux monde” correspond au système agro-industriel né au milieu du 19ème siècle, défini par son caractère intensif et concentré, en monoculture, globalisé sur des marchés financiers mondialisés. Si ce système a certes permis d’accompagner la croissance démographique, en multipliant par 3 les rendements agricoles depuis 1950, il se heurte depuis plusieurs décennies aux défis du développement durable, qui appellent une inévitable transition de notre mode de production et de consommation des aliments.
Comment tendre vers un système alimentaire plus vertueux ?
Cette transition doit ainsi répondre aux trois enjeux fondamentaux du développement durable :
- L’équité dans la santé, car aujourd’hui près de 40% de la population mondiale souffre de maladies d’origine alimentaire, et l’insécurité alimentaire est à l’origine d’environ 30% des décès mondiaux. Si la France est moins impactée par cette insécurité, elle tend tout de même à augmenter depuis plusieurs années.
- L’environnement, car face au changement climatique, le système alimentaire actuel, par des pratiques intensives et l’utilisation de produits chimiques, est responsable de près de 30% des émissions de gaz à effet de serre, et contribue à la perte de biodiversité animale et végétale, à la dégradation des sols et à la pollution de l’eau. Aujourd’hui en France, 60% de l’eau courante est en dessous des normes de qualité européennes !
- L’économie, car face à son instabilité, le marché alimentaire mondial fait face à une forte fluctuation des prix, notamment depuis la crise sanitaire du Covid et de la Guerre en Ukraine. Cette instabilité accentue alors les inégalités de revenus et de patrimoines entre les acteurs du secteur. Ainsi, en France, les agriculteurs ne reçoivent qu’environ 10% du prix payé par le consommateur !
“Je suis convaincu que la transition des systèmes alimentaires est en marche et qu’il faut œuvrer pour l’accélérer.”
Jean-Louis Rastoin
Et si la solution se trouvait dans la socio-écologie ?
La transition vers un système plus social et écologique permet de répondre à ces trois aspects fondamentaux, par la qualité globale des produits, la proximité entre les acteurs et leur environnement, l’ancrage territorial par une relocalisation des productions, la solidarité locale et internationale, notamment avec les pays les plus pauvres, et enfin un mode de gouvernance incluant l’ensemble des parties-prenantes. Et dans cette transition, l’écotourisme tient une place prépondérante !
L’écotourisme comme voie de transformation vertueuse
Pour mener ces changements rapidement et durablement, tous les acteurs ont un rôle à jouer, à la fois pour freiner la puissance agro-industrielle et ses lobbies, mais également pour convaincre les producteurs et les chefs d’entreprise de la viabilité de ces transformations, notamment par l’écotourisme. Jean-Louis Rastoin l’affirme, l’écotourisme est un élément phare de diversification des activités agricoles, permettant ainsi aux producteurs d’améliorer leurs revenus. Cet agritourisme peut ainsi se décliner en tables d’hôte aux produits locaux, en boutiques de vente directe, en hébergements intégrés aux paysages et dans le patrimoine architectural… Dans de nombreuses fermes françaises, le tourisme vert représente déjà près de la moitié de leur chiffre d’affaires ! Ces services écotouristiques, combinés aux activités agricoles, représentent dans ce système vertueux, un véritable dynamisme territorial.
Comment faire adopter ces pratiques ?
L’enjeu est ainsi de convaincre les acteurs agricoles que ce nouveau monde va leur permettre de mieux vivre. Pour cela, la recherche, l’expérimentation, et les formations sont nécessaires. Les actions de mobilisation citoyenne ont également un poids considérable dans la transition de nos territoires : selon l’observatoire de l’association Resolis, plus de 600 initiatives pour une alimentation responsable et durable (IARD) ont été mises en place en France ! DéfisMed, en mobilisant autour de la transition écologique participe donc à cette transition alimentaire, souhaitant reconnecter le tourisme au territoire et à ses ressources locales. Les actions menées par DéfisMed représentent ainsi un moyen légitime et motivant pour Jean-Louis Rastoin de participer au développement de cette “Nouvelle entreprise rurale”, et de voir l’application concrète de ses projets de recherches et de conseils en entreprise.
“L’écotourisme, porté par Défismed, avec conviction et énergie, est une pièce essentielle puisque nos sociétés vont faire une place de plus en plus large aux services avec une préoccupation sociale et environnementale croissante."
Jean-Louis Rastoin